La Volière

Création 1990 / 1994

Conception et mise en scène
Lily et Igor

Production
Théâtre Dromesko
Coproduction
Théâtre de Vidy - Lausanne (Suisse) / direction Mathias Langhoff
Théâtre National de Bretagne-Rennes / direction Emmanuel De Véricourt
Le Volcan-Le Havre
Avec le concours du Ministère de la Culture et de la Francophonie et du Ministère des Affaires Etrangères-AFAA / Association Française d’Action artistique


La Volière, c’est le chapiteau avec sa coupole transparente ; plus qu’un chapiteau c’est la boîte qui forme le décor du spectacle aux couleurs de musiques tziganes qui réunit 240 oiseaux, chevaux, et autres animaux, avec une quinzaine d’artistes venus du théâtre, du cirque et de la musique ;
Deux versions seront créées entre 1990 et 1994 « Dernier chant avant l’envol » et « Vertiges » ;

elles seront jouées pour de longues séries, 353 fois en France et en Europe Lausanne(Suisse),Bordeaux,Nîmes , Rennes, Strasbourg, Marne la Vallée, Paris, Saint Herblain, Lisbonne (Portugal), Hainburg (Autriche), Le Havre, Cherbourg, Toulouse, Brest Villeurbanne, Avignon, Esslingen (Allemagne), Zurich ( Suisse )




« Dernier Chant avant l’envol »
Création 1990-1991
Première version

Un cheval ailé, un majordome au long bec, des musiciens qui jacassent, un arbre qui se contrebasse, les trilles échappées d'une femme-cage, sept corbeaux palabrant dans une pénombre aux reflets de cuivre...
L'effarement provoqué en nos murs par l'arrivée de ce fol équipage est immense.
eux, les insensés de DROMESKO, disent que certes jusqu'ici les oiseaux ont eu le dessus, qu'ils ont toujours regardé de très haut nos piteuses enjambées nous faisant quelquefois l'aumône de leurs fientes mais qu'aujourd'hui le temps est venu d'abandonner le doux confort de nos rêves pour de véritables audaces. Ils disent que la partie n'est pas jouée et que les ricanements moqueurs de la Pie Bleues de l'Himalaya ne résonneront peut-être plus très longtemps sous leur grand evolière posée entre ciel et terre. Bien loin de faire peser sur ces créatures ailées l'ombre d'un châtiment, ils les gâtent...pour mieux les voler.
Celui qui n'a pas vu le corbeau pâlir devant la légèretédu danseur de corde, ne connaîtra jamais ce long frisson proche de l'ivresse où l'on flotte, débarassé de toute gravité, dans un azur d'impensables voluptés.
DROMESKO dernier chant avant l'envol.

« Vertiges »
Création 1992-1993
Deuxième version

« Les migrants savent que la terre est ronde, y’a pas un coin où se poser.
Alors ils repassent là où vous avez laissé quelques plumes et ils déposent leur petit ciel dans la boue. A la saison des chaleurs, vertige chronologique,
les voltigeurs inventent des brouillards,
les corbeaux de leurs becs réveillent les yeux de ceux qui regardent dedans,
chacun creuse sa cathédrale à l’envers pour des vertiges au bord du trou.
Petite messe à l’ivresse.
Et l’envie fera l’envol. »
Jérome  Derre

« Vue des anges, les cimes des arbres peut-être
Sont des racines, buvant les cieux ;
Et dans le sol, les profondes racines d’un hêtre
Leur semblent des faîtes silencieux »

Rainer Maria Rilke


"Ce soir, au-dessus de vous….
…les ailes que nous n'avons pas, ou plus.
De notre envergure perdue, il reste le souvenir ; de notre grâce amputée, les affres du doute ou de la nostalgie.
Etions-nous des oiseaux, avant, ailleurs? Est-ce que les arabesques que nous tracions autrefois dans le ciel que, misérablement, certains d'entre nous tentent de reproduire sur le papier, la toile, la partition, la scène? Quel péché d'orgueil avons-nous commis pour être ainsi condamnés, jambes collées à terre, pensées vissées à la raison, à toujours vouloir comprendre, comprendre, comme des Sisyphes obligés de remonter sans cesse le rocher du sens? Qu'avons-nous gagné à échanger cette liberté originelle grisante, de poseur de questions?
Si, en intitulant son spectacle Vertiges, et en nous invitant dans la demeure même des voltigeurs, Dromesko a voulu que nous éprouvions, jusque dans nos fesses, notre insoutenable lourdeur et, dans les moindres recoins de notre cerveau, notre incurable rationalisme, il a réussi, d'entrée.
Si, en plus, il a voulu gratter là où ça fera toujours un peu mal, à la racine de nos fantasmes les plus enfouis, il ne pouvait pas trouver meilleure méthode que de nous rassembler, volants et non volants, tous dans la cage, avec odeurs de terre mouillée et de rêves impossibles, les premiers, bec dans leurs étoiles, les seconds, nez dans leur gravité.
S'il est une leçon, en effet, qu'Igor, le chef de la volière, accepterait que nous recevions des oiseaux, c'est bien celle de la légèreté. La légèreté est son obsession, comme elle est de par le monde, celle de tous les dresseurs de mots, de couleurs, de formes, de chevaux, d'images. Pour elle, ils ont besogné, se sont échinés, ont sué comme des forçats. Jusqu'à ce que le boulet du travail ait l'air d'un ballon d'enfant. Tous ont inventé de drôles de machines poétiques ou réalistes, planantes ou pétaradantes – toujours trop lourdes à leurs yeux – pour décoller, aller toucher le soleil, ou au moins connaître la grâce du vol qui y mène.
La Volière Dromesko n'échappe pas à la règle ; on la croit prête à s'envoler, faite de plumes, de transparences et de rêves, quand sept tonnes de ferraille composent son armature et des milliers de kilomètres d'errances et de savoir-faire de toutes sortes forment sa troupe !
Quelques-uns, rares, moins englués, ont le souvenir d'avoir été un peu plus légers que l'air, ou ont gardé en mémoire quelques bribes de leur vie aérienne antérieure. Ils nous servent de passeurs : un violoniste, un cavalier ou une écuyère, un funambule… Ils sont donc là, frères en légèreté, ou du moins humbles élèves des martins huppés, des rossignols du Japon, des perruches ondulées, des calopsytes, des mandarins, des cordons bleus, du cardinal pourpre, de la pie de Mongolie…
Mais ne nous voilons pas la face, les uns resteront avec leur sentiment éphémère de liberté, nous avec nos questions. A chaque espèce sa façon de se dépasser. Certes, il a pu arriver – mais l'a-t-on jamais entendu confirmer? – qu'un spectateur, en état de grâce, au comble de la justesse et de la légèreté, rejoigne les oiseaux, l'espace d'une représentation. Mais tous des Icares, les Birdy n'y changeront rien, nous ne seront jamais les dépositaires "du chant de la création", comme l'a écrit Saint John Perse. La justesse appartient aux oiseaux. Qui, en effet, a jamais vu une faute d'harmonie dans leur trajectoire? Qui n'a jamais vu un oiseau voler faux…?
Ca y est, nous y revoilà, avec nos pitoyables battements de questions : qui? où? quand ? Pourquoi? Si nous voulons à tout prix penser, retournons-nous plutôt quelques interrogations : que sommes-nous pour les oiseaux? Comment nous voient-ils? Pour qui prennent-ils ces crânes à deux pattes articulées qui dessinent au-dessou d'eux des trajectoires fébriles et sans but? Pour les derniers dinosaures."

Claude-Henri Buffard, journal du Théâtre National Populaire, juin 1994.

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